mercredi 11 avril 2007

Le Fonds monétaire international estime que l'économie mondiale va ralentir mais rester "vigoureuse" à +4,9% en 2007 et 2008. Les Etats-Unis devraient connaître une décélération plus rapide

Le Fonds monétaire international (FMI) a relevé sa prévision de croissance 2007 pour la zone euro à 2,3% contre 2% prévu en septembre et s'attend à une ou plusieurs nouvelles hausses de taux d'intérêt de la BCE, selon son rapport semestriel publié mercredi.

Globalement, l'économie mondiale va "ralentir quelque peu" mais la croissance, ininterrompue depuis cinq ans, devrait rester "vigoureuse" à +4,9% en 2007 et 2008, a estimé mercredi le Fonds monétaire international (FMI), dans ses prévisions semestrielles. Par rapport aux 5,4% de 2006, la tendance actuelle est qualifiée de "décélération modeste". Les perspectives semblent moins menacées qu'il y a six mois, ajoute le FMI. "La baisse des cours du pétrole depuis août dernier et les conditions généralement favorables sur les marchés financiers internationaux ont contribué à limiter les répercussions de la correction du marché du logement américain et les tensions inflationnistes". "Néanmoins, les événements récents sur les marchés ont souligné que les perspectives restent orientées à la baisse".

Fin février, les marchés mondiaux ont décroché de 5% environ, suite à une sévère correction de la Bourse de Shanghai menacée par l'éclatement d'une bulle spéculative. Ils ont ensuite souffert des craintes d'une crise immobilière aux Etats-Unis qui affecterait la croissance.

Zone Euro : la France revue ne baisse à +2%

Tout comme aux Etats-Unis, la croissance devrait "fléchir dans la zone euro" en 2007 du fait du relèvement progressif des taux d'intérêts et des réductions de déficits budgétaires, estime le FMI. En 2006, la croissance de la zone euro avait atteint son rythme le plus rapide depuis six ans à 2,6%, grâce à une forte demande intérieure, l'amélioration du marché du travail, et à "des facteurs exceptionnels", comme la Coupe du monde de football et la poussée de la consommation en Allemagne avant la hausse de la TVA en janvier 2007. Le taux de chômage est du coup tombé à 7,6% à la fin de l'an dernier dans l'ensemble de la zone euro, son taux le plus bas depuis 15 ans.

La demande de la zone euro, soutenue au dernier trimestre 2006, pourrait être plus forte que prévue cette année, en particulier en Allemagne, "où la consommation pourrait s'affermir", surtout "si les salaires se redressent et si l'effet négatif de la hausse de la TVA sur la demande au début de 2007" est plus faible qu'anticipé, selon le Fonds.

La France, cependant, ne devrait enregistrer que 2% de croissance cette année, selon le FMI qui a ainsi revu en baisse sa prévision précédente de 2,3%. Une performance inférieure à la moyenne de la zone. Pour l'année en cours, le FMI se montre donc plus pessimiste que le gouvernement français qui table, pour 2007 et 2008, sur une croissance comprise entre 2 et 2,5%, la Commission européenne la voyant à 2,2% cette année. Le FMI évalue le taux de chômage à 9% en France pour 2006, et anticipe une baisse en 2007 à 8,3% et en 2008 à 7,8%. Le taux de chômage moyen sur l'ensemble de l'année 2006 en France a été révisé fin mars par Eurostat à 9,4%, contre 9,0% selon l'estimation précédente. Dans ses dernières estimations, Eurostat évalue à 8,8% le taux de chômage en février 2007, contre 8,4% annoncés par l'Insee. Enfin, le FMI s'attend à ce que l'inflation recule en France de 1,9% en 2006 à 1,7% en 2007 et table sur 1,8% en 2008.

Côté inflation dans l'Union, le gendarme de l'économie mondiale donne carte blanche à la Banque centrale européenne (BCE) pour continuer à durcir les conditions d'octroi du crédit. Les taux de chômage "sont tombés au plus bas du cycle, les taux d'utilisation des capacités sont élevés et des tensions inflationnistes pourraient apparaître", avertit-il. "Il semblerait justifié de relever les taux d'intérêt à 4% d'ici l'été", juge-t-il, ajoutant même qu'"au-delà, de nouveaux ajustements pourraient encore être nécessaires". Le FMI prévoit pourtant en 2007 et 2008 une inflation à tout juste 2%, seuil maximal en théorie toléré par la BCE, mais s'attend à ce que le taux de chômage continue à reculer : à 7,3% en 2007 et à 7,1% en 2008. Les investisseurs tablent en majorité sur une nouvelle hausse du principal taux de la BCE en juin à 4%, mais estiment en général que cela devrait être la dernière en 2007.

Etats-Unis : tassement plus prononcé

"Le tassement de la croissance sur un an en 2007 sera le plus prononcé aux Etats-Unis", ajoute le FMI, mais "l'économie américaine devrait se redresser dans le courant de l'année et en 2008, à mesure que l'effet de freinage du secteur du logement se dissipe". La première économie du monde devrait croître de 2,2% en 2007 et 2,8% en 2008, contre 3,3% l'an dernier. Le FMI envisageait encore 2,9% en septembre dernier mais a indiqué qu'il prévoyait une reprise à 2,8% dès 2008.

"L'économie américaine a ralenti de manière sensible sur l'année écoulée", a constaté le FMI dans son rapport semestriel sur les perspectives économiques mondiales publié mercredi. "La question centrale est de savoir (...) si cette faiblesse de la croissance est un ralentissement temporaire, une pause à mi-parcours comme cela s'est produit en 1986 et 1995, ou bien les premiers signes d'un recul plus prononcé", s'interroge le rapport. A l'appui de la thèse d'une pause à mi-parcours, le Fonds cite la robustesse du marché de l'emploi avec un taux de chômage stable à 4,5% ainsi que la bonne santé des entreprises et de la Bourse. "L'impact du refroidissement du marché immobilier sur les marchés financiers a été limité jusqu'à maintenant" ajoute le FMI, en soulignant que "le secteur financier est dans l'ensemble en bonne santé et les conditions de crédit favorables". En conséquence, la croissance devrait rebondir à 2,8% en 2008.

Mais le FMI souligne que les risques pesant sur ces perspectives sont plutôt négatifs. "Une baisse plus forte que prévue des prix des logements présenterait des risques tant pour l'investissement dans le secteur résidentiel que, du fait de l'impact sur la richesse et l'emploi, pour la consommation". Le rapport attire également l'attention sur le risque d'une faiblesse persistante de l'investissement des entreprises mais ajoute que la baisse du dollar pourrait venir la compenser en rendant les exportations américaines plus concurrentielles.

Concernant l'inflation, le FMI estime que le ralentissement de la croissance devrait permettre de faire diminuer les pressions sur les prix même si "les risques de voir l'inflation se montrer plus tenace que prévu ne peuvent être écartés". Sur la politique de la banque centrale, qui a laissé son taux directeur inchangé à 5,25% depuis juin 2006, le Fonds juge que les marchés financiers s'attendent à la voir le baisser d'ici septembre. "Mais la Fed a gardé avec raison toutes ses options ouvertes", rappelle-t-il. "Si la croissance se montre plus résistante qu'attendu, que le marché du travail reste tendu et que l'inflation de base ne baisse pas, les attentes du marché concernant une baisse des taux pourraient ne pas se concrétiser", indique toutefois le FMI.

Face aux déficits commerciaux et des comptes courants, le FMI juge que "l'augmentation du taux d'épargne aux Etats-Unis est un élement important d'une stratégie multilatérale pour atténuer les déséquilibres mondiaux". "En conséquence, il est encourageant de noter que les récentes performances en matière budgétaire ont dépassé les attentes", indique le Fonds qui évoque l'engagement pris par l'administration américaine de ramener le déficit budgétaire à l'équilibre d'ici 2012. Il appelle toutefois à des réformes dans les secteurs des retraites, de l'assurance médicale pour les personnes âgées et les pauvres pour assurer leur fonctionnement à long-terme.

Asie : poursuite de la vigueur

Tirées par la Chine et l'Inde, les économies de l'Asie émergente vont continuer de croître à un bon rythme en 2007, nonobstant le ralentissement de l'économie américaine, estime le Fonds Monétaire international dans un rapport publié mercredi. L'Asie émergente, qui comprend l'Asie en développement, les nouvelles économies industrialisées de la région et la Mongolie, devrait connaître une progression globale de 8,4%, contre 8,9% en 2006, selon les "Perspectives de l'économie mondiale" publiées tous les six mois par le Fonds.

"La croissance réelle va se relâcher un peu cette année et l'année prochaine mais rester à un haut niveau", commente l'institution. Ce relâchement sera lié à un "ralentissement de la croissance parmi les économies asiatiques nouvellement industrialisées" (Corée du Sud, Taiwan, Singapour mais aussi la région de Hong Kong), lui-même dû à une baisse de la demande globale pour leurs exportations. Il sera aussi le reflet d'une certaine "modération" de la croissance de la Chine et de l'Inde, liée notamment aux politiques plus strictes adoptées par Pékin. Ces mesures de resserrement monétaire ont ainsi permis de calmer les investissements en capital fixe au second semestre 2006, selon le rapport. La progression du produit intérieur brut (PIB) de la 4e économie mondiale, qui avait atteint 10,7% l'an dernier, devrait s'élever à 10% en 2007, avant de ralentir plus nettement en 2008 à 9,5%. La croissance de l'Inde sera également soutenue, à 8,4% cette année puis 7,8% en 2008, contre 9,2% en 2006, ajoute le FMI, soulignant, toutefois, avoir "systématiquement sous-estimé la croissance des pays émergents ces dernières années", notamment de la Chine et de l'Inde.

L'institution, qui pour établir ses projections s'est demandé "comment la région supporterait un ralentissement aux Etats-Unis", conclut que l'impact pourrait rester limité: "Plusieurs facteurs suggèrent que l'impact global serait vraisemblablement bien contenu", écrit-il. "A ce stade, le ralentissement américain est conduit par le secteur immobilier, avec des effets sur la demande globale pour les exportations d'Asie vraisemblablement atténués", écrit l'institution en notant la bonne tenue générale de la demande pour les biens électroniques, composante importante des exportations régionales. En outre, "l'importance des Etats-Unis comme destination d'exportations a décliné dans la plupart des pays, à l'exception importante de la Chine, et celle du commerce intrarégional a grandi". Le FMI note un déclin des pressions inflationnistes. Mais, du côté des risques potentiels, elle estime aussi que "les marchés financiers (...) restent vulnérables à toute augmentation non anticipée de l'aversion au risque".

Moyen-Orient : mieux utiliser la manne pétrolière

Le Fonds monétaire international a invité les pays du Moyen-Orient à rendre leurs économies moins dépendantes de la manne pétrolière et à mieux faire profiter les populations du boom de l'or noir. "Les perspectives économiques pour l'ensemble de la région restent favorables" même si un léger ralentissement est à prévoir du fait du repli des prix du pétrole depuis leurs pics historiques et des baisses de production décidées par le l'Opep, le cartel des pays exportateurs, souligne-t-il.

La croissance économique de la région (qui inclut notamment les pays du Golfe, l'Iran, l'Egypte ou encore la Syrie, Israël et le Liban) devrait ainsi plafonner à 5,5% cette année et la suivante, après 5,7% en 2006. Mais "en dépit d'un niveau élevé de croissance dans la période récente et d'une progression du revenu par habitant dans la région, les pays exportateurs de pétrole du Moyen-Orient restent très dépendants du secteur des hydrocarbures", regrette l'institution. Elle les exhorte en conséquence à utiliser la période faste actuelle pour "diversifier" leurs activités afin de permettre à leurs populations de trouver du travail.

"La rapide progression de la population a contribué à propulser les taux de chômage (dans la région) à des niveaux parfois parmi les plus élevés au monde, avec un taux d'activité relativement faible", souligne le Fonds monétaire international. L'une des solutions passe par l'encouragement de l'investissement privé dans le secteur non pétrolier, juge-t-il.

Aucun commentaire: